Séminaire du LJLL
Jérôme Droniou (CNRS, Université de Montpellier et Université Monash, Melbourne)
Dans le cadre de l’analyse fonctionnelle discrète (DFA en anglais), de nombreux résultats connus pour les espaces de Sobolev (compacité, injection, trace) ont été adaptés aux espaces de « fonctions discrètes » rencontrés dans l’analyse numérique des équations aux dérivées partielles. Ces « fonctions discrètes » ne sont parfois pas des fonctions, surtout dans le cadre de méthodes applicables sur des maillages polygonaux ou polyhédraux génériques, mais par exemple des vecteurs de polynômes attachés aux cellules et faces du maillage ; les résultats connus dans les espaces de Sobolev ne peuvent alors pas directement s’appliquer au cadre discret. La difficulté de la DFA est alors de définir les bonnes normes discrètes sur ces espaces, et de trouver des moyens d’adapter les techniques de preuves du cadre continu au cadre discret.
Dans le cadre des théorèmes de trace discrets, ceux qui sont disponibles consistent le plus souvent à montrer que la norme L^2 de la restriction d’une « fonction discrète » est bornée par une norme H^1 discrète de cette fonction dans le domaine. L’usage de la norme L^2 au bord (au lieu d’une norme H^{1/2} discrète), cependant, ne permet pas d’établir le théorème inverse, c’est à dire le relèvement stable d’une fonction sur le bord en une fonction dans l’intérieur du domaine. Un tel relèvement est cependant essentiel dans l’analyse de solveurs basés sur des décompositions de domaine car, en l’absence de recouvrement, l’information est transmise d’un domaine à l’autre uniquement via leurs bord commun.
Dans cet exposé, je présenterai une théorie complète de trace et relèvement discrets, pour des méthodes numériques polytopales et « hybrides » (où les inconnues sont des polynômes dans les cellules et sur leurs faces). Cette théorie commence par la définition d’une norme H^{1/2} discrète idoine, pour laquelle une inégalité de trace et un relèvement stable peuvent être prouvés. Je donnerai les idées générales pour établir ces deux résultats, idées qui miment les preuves dans le cadre continu de l’inégalité de trace H^1 -> H^{1/2} et du relèvement H^{1/2} -> H^1. Le cadre général de la théorie s’applique à de nombreux schémas polytopales (comme Hybrid-High Order, Virtual Elements, Hybridizable Discontinuous Galerkin, Discrete De Rham, etc.), et permet une analyse des méthodes de décomposition de domaine pour ces schémas.
Il s’agit de travaux en collaboration avec Santiago Badia et Jai Tushar de l’Université Monash (Melbourne, Australie).